Paroles!

Notre B.D du jour 

Illustration Pascaline Cuvelier

Année 1978

Paroles! n°1 – Illustration Pascaline Cuvelier


Après Marx, Avril

(1) Etudiant tué lors de la manifestation contre la visite du Shah d’Iran à Berlin (2.6.67). Abattu par le policier Kurras, dans le dos. (2) Guerre impérialiste (!) qui a servi de creuset à la mobilisation de la gauche et de l’extrême gauche dans le monde. (3) Membres de la flAF tués ou suicidés (ou les deux à la fois). (4) Membre du Mouvement du 2 Juin» Auteur de Tupamaros Berlin-Ouest, Paris, Gallimard, 1976. (5) Article du quotidien Libération, qui leur a valu l’occupation des locaux par les Groupes Autonomes Parisiens. (6) Article de la Constitution qui prévoit l’interdiction aux suspects de l’emploi dans la Fonction Publique, en RFA. (7) 88 : article de la Constitution qui limite les droits d’impression et de diffusion en RFA. Art. 1 8 : de la Loi Fondamentale (Grundgesetz – Constitution) concerne les libertés d’opinion, d’enseignement, de réunion et d’association en RFA. (8) Prison politique d’exception. Au 7e étage étaient incarcérés les membres du Groupe Baader-Meinhof. (9) Chancelier de l’Allemagne Fédérale. Social-Démocrate (SPD). Grand ami de Valéry Giscard d’Estaing. (10) Cet ordinateur réglait la stratégie des bombardements sur le Vietnam. Il a été détruit lors d’un attentat du Groupe B-M. (11) Devise des phalangistes pendant la guerre civile espagnole. (Viva la muertel). (12) Devise des républicains espagnols, reprise par l’ensemble des guérilleros latino-américains (Nous vaincrons!). (13) Bande, bande dessinée-bande décimée. Où il est question de la répétition du malheur dans l’histoire du Sujet (de l’Histoire). (14) cit. B. Baumann, cf. Note 4. (15) Nom du propriétaire du plus grand monopole de la presse occidentale (Biid, Stern, e te.), affecté d’une colopathie spasmodique d’origine allergo-révolutionnaire. (16) Premières tentatives communautaires dont le projet commun était d’ordre politique. (17) Un des leaders de l’opposition extra-parlementaire, victime d’un attentat résultant d’une campagne hystérique orchestrée par la presse Springer (11.4.68). (18) cit. B. Baumann. cf. Note 4. (19) Quartier général qui organisait des smoke-in publiques devant les centres de désintoxication. (20) Mouve¬ ment révolutionnaire palestinien, qui avait le soutien de la RAF, au même titre que le Vietcong, les Tupamaros (Uruguay) et d’autres. (2 1 ) Beatnik puis membre de la RAF. Organise le premier attentat soldé par mort d’homme. (22) Mot d’ordre appliquée la lettre. (23) Personne livrée ou reçue comme garantie de l’exécution d’une promesse politique, instaurée comme système de représailles .(Littré). (24) «Le révolutionnaire est un être perdu» Cit. Netchaev. (disciple de Bakounine). Terme employé pouf désigner l’élite des rédempteurs sacrificiels. (25) Avocat de la /?/4F extradé de France (16.11 .77). Accusé de complicité avec ses clients. (26) Rote Armee Fraktion (Fraction de l’Armée Rouge). Issue de la vague de contestation étudiante de la fin des années 60.

(27) Président de la Libye suspecté d’être le financier du terrorisme. (28) Soziai-Demokratische Studenten (Etudiants Socio-Démocrates). Aile gauche du SPD d’où sont pratiquement issues toutes les tendances d’extrême gauche allemande vers les années 60. (29) Surnom de la Police Politique. (Popo, en argot allemand signifie cul). (30) La gauche chic. Terme employé dans la presse pour désigner l’origine «bourgeoise» de l’extrême-gauche allemande. (31) Journal anarchiste de Berlin-Ouest. (32) Naissance de la RAF (2.6.70). (33) Equivalent allemand des pistolets italiens P. 38. (34) Mise à prix des têtes terroristes, offre du ministère de l’Intérieur : 1/ capture d’Ulrike Meinhof. 2/ l’ensemble du groupe. 3/ pour toutes informations sur les attentats. Au prix où sont les choses, on a intérêt à acheter des gens. (35) Pétition circulant en France, parmi les Mouvements de Femmes (31 .10.77) dénonçant les qualificatifs de sorcières, prostituées, égéries. (36) Partisans, agents du système de la terre. (Littré). (37) Film de Volker Schloëndorf, tiré du roman de Heinrich Bôll, préfigurant la démesure de la répression policière à l’égard des marginaux. (38) cf. Pièce de Julian Beck (interdite), Méditations sur le masochisme politique, dénonçant la torture blanche dans les prisons allemandes. Allusion au décret d’isolation complète (éclairage permanent, œil électrique, isolation acoustique, etc.;) pris à l’encontre des prisonniers politiques. Précédemment utilisée dans les prisons-isolators dites soviétiques. (39) Titraille-mitraille à la Une de France-Soir (21.10.77). Appel de la police allemande (et de l’Europe des polices) pour «retrouver les criminels » ou plus exactement les criminelles : Suzanne A., Frederike S., Silke M.-W., Brigitte M., Adelheid S., Angelika S. Véritable bal des maudites et chasse aux sorcières. (Encombrement du titre : 40 mm x 376 mm). (40) Affiche du Collectif femmes d’information et de sauvegarde des prisonnières politiques en République Fédérale allemande. (Les M’SAM. BP 234.03, Paris, Cedex 3). (41) Nouvelles mesures de l’adoption (à une voix de majorité), par le Bundestag, du projet de loi renforçant les mesures anti-terroristes en R. F. A. A savoir : perquisition dans les immeubles, droit de récuser les avocats soupçonnés d’être complices des terroristes, vitre séparant avocat et client pour empêcher toute transmission d’objet. L’opposition aurait voulu, en outre, que les terroristes ayant accompli leur peine puissent être maintenus en prison, cit. Le Monde (18.2.78).

(1) Titre d’un tract autonome italien (1977) Revolver de ce calibre. Utilisé pour tirer, à titre préventif ou répressif, contre les représentants de l’Etat. Le pétrentuitiste brandit son arme ou trois de ses doigts pour signifier sa détermination. (2) Logique spécifique de la violence. (3) Mise en place d’un système de lutte offensive théoriquement susceptible de mettre les masses en mouvement. (4) Certains groupes autonomes français et italiens se réclament de Baader (martyr). En scandant : «Oui, Baader était un camarade». (5) Ligue Communiste Révolutionnaire taxée d’anti-terrorisme primaire. Spécialement visée dans le mot d’ordre : «Eliminer le misérabilisme gauchiste» (25.11.77). (6) Mot d’ordre maoïste. Dénigré sous forme d’objet-fusil. Mais valorisé sous forme d’objet-pistolet. Arme à fort signifiant phallique. (7) Qui jouit de l’autonomie, qui se fait sa règle à soi-même. (Littré). Cette autonomie est revendiquée par rapport à toute forme d’organisation politique ou partisane, en particulier syndicale. Mot d’ordre approprié : «Détruire à jamais la politique» (25. 1 1 .77). (8) Slogan du cortège autonome italien (1 8.3.77). (9) Journal du Mouvement de Libération de la Femme Autonome. (Italie) (10) Tuée à Rome (1 2.5.77) lors d’une manifestation pour fêter la victoire du référendum sur le divorce. (11) Nom donné par les partisans soviétiques pendant la 2e guerre mondiale à des engins explosifs de fabrication artisanale, (nom d’un des plus brillants staliniens du Comité Central), dont les retombées sont quelque peu inattendues et désordonnées. (12) Les indiens Métropolitains. Désignation d’un groupe autonome italien milanais : WOW, donné par dérision çt solidarité avec la lutte des Indiens (et Chéyennes) d’Amérique du Nord, pour leur émancipation. «Indiens, c’est vite dit», article de Francesco Berardi, dit Bifo, pour définir le Movimento. (13) Slogan gauchiste, autonome avant la lettre, qui dénonce toiJte forme de militantisme structuré. (14) Slogan apposé sur les murs de Rome (1977). (15) Journal qui une fois déplié représentait le Jardin des délices de J. Bosch, avec cette inscription. Le livre d’Antonetta Macciocchi, Après Marx, Avril, Paris, Le Seuil, 1 978, reprend à son compte le slogan des autonomes italiens. (Ce présent article a été écrit en automne 1 977 -oui, les délais de parution sont inhumains -non, il n’y a pas de propriété intellectuelle des jeux de mots -mais oui, nous allons être éditées avant les élections de Marx 78). Une chanson de Charlebois (1 976?) porte ce titre : Avril sur Marx. (16) Ordre du jour d’une Assemblée Générale tenue à Jussieu (25.1 1 .77). (17) «Rassemblement contre la répression» (27.9.77) dans la ville italienne gérée par le P.C.L, où s’était déjà produits de violents affrontements entre les étudiants et la police. Lo Russo, militant de Lotta Continua, y trouva la mort (1 1 .3.77). A cette occasion Enrico Berlinger déclara : «Ce ne sont pas quelques porteurs de peste (untorelli) qui déracineront Bologne». Comme disait Georges Marchais : «On ne choisit pas entre la peste et le choléra». 

(18) Terme servant à désigner, chez les autonomes français, la partie non-étudiante du mouvement, en général d’origine prolétarienne. (19) Militant maoïste abattu par Jean-Antoine Tramoni, vigile des Usines Citroën. Ses funérailles (1972) ont donné lieu à un dernier rassemblement gauchiste. Tramoni, condamné à 4 ans de prison, a été abattu par les N. A. P. A. P. (Noyaux Armés pour l’Autonomie Prolétarienne). Les autonomes affirment aujourd’hui que ces funérailles ont été une occasion manquée de manifester leur violence. (20) Exigence formulée par les autonomes français. (21 ) Slogan transmis par Radio-Alice. (22) La plus célèbre des radios-pirates. L’émetteur de Bologne fut interdit parce qu’il soutenait, par ses informations immédiates, la stratégie des manifestations. Elle tirait son prénom d ’ Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, chef-d’œuvre de la logique du non-sens. (23) Formule de solidarité contre la répression, qui s’abat sur les exclus de tous bords. A l’Est comme à l’Ouest, rien de nouveau. (24) Organisation Communiste Libertaire. Le seul groupe politique accepté dans l’autonomie. Ainsi que Marge, Point Noir, Camarades, Front libertaire. (25) Inscription murale tracée lors de la première AG des Autonomes à Jussieu (25.1 1 .77). (26) Slogans bombés sur les murs de la ville : «femme, proclame-le : tu t’appartiens!», «Le bonheur n’est pas une utopie : je m’appartiens!» (La félicité non è una utopia, yo sono mial), «Nous sommes plus que sa moitié» (Siam più della metà)-image : une grosse dame lève le poing, elle tient la main d’un tout petit bonhomme dè mari. Cf. Recherches N° 30, les untorelli, Paris, Cerfi, 1 978, p. 64. (27) Groupe issu de la Gauche Prolétarienne maoïste italienne. Organise les premières «Expropriations prolétariennes» et s’implante surtout dans les usines. (28) Noyaux armés prolétariens. Le groupe rassemble des militants d’extrême gauche et d’anciens prisonniers de droit commun. Comme les Brigades Rouges ils prônent la lutte armée clandestine «étape principale de la croissance de l’autonomie prolétarienne». (29) Ces groupes féministes entendent aussi se servir de la lutte armée. (30) .. .violentes/douces/hystériques». Article tiré du journal Puisqu’on vous ie dit! (c’est que c’est pas vrai), Paris, 1 978, N° 1 , p. 6. (Image : Photo de Gudrun Esslin, nue). L’article poursuit : «…alors la mitraillette que j’ai dans la tête / n’est que le prolongement du bras armé de Baader. »

pascaline cuvelier

Lettre à mes collègues de bureau

Wissenchraftlichte Graphologie, Munich, Robert Saudek, 1926
Wissenchraftlichte Graphologie, Munich, Robert Saudek, 1926

Lettre d’amour, une seule lettre : un e qui féminise dans notre langue, bon nombre de substantifs et d’adjectifs. Ecrire une lettre à haute et intelligible voix, à voix basse, d’une voix étouffée, étoffée pour un jour, étoffe d’une robe-de-bal ou d’un ras-le-bol. Taffetas et paillettes aux yeux : Vous dansez, made¬ moiselle ? et C ‘est à vous ces jolis yeux là ? Ouvrir le bal du premier Numéro, d’un premier tirage. Lettre imprimée envoyée dans le même moment à quelques femmes, puis chemin faisant, distribution oblige, à d’autres femmes. Libre circulation des idées? Du désir? Femmes! je vous aime! Lettre écorchée vive. Désir lisse comme les pneumatiques rodés d’usure, râpés d’usage, dangereusement glissants d’amertume dans les mirages-virages de la vie même : attention aux rails crypto-féministes. Déesses! des théologies positives nous guettent! A ces nouvelles planches de salut, planches à roulettes toutes neuves, planche de sauvetage d’un féminisme dé-mouvementé. Sauvez les femmes, d’abord! Femmes s’échappant, d’une glissade, d’une roulade, de la raison raisonnante des hommes, d’un nomadisme l’autre. Soyons vigilantes : un tramway nommé désir-de-femme peut en cacher un autre nommé désir-de-féminisme. Dis¬ cours amoureux en forme de phylactère d’une héroïne de bande dessinée qui parlerait (égérie, amazone, sorcière, prostituée, terroriste, théoriste?) d’une prétendue «spécificité » des femmes. A en faire notre trace quotidienne, du genre féminin, genre opaque, à part, à part entière. Différence spécifique. Laquelle? Sur la page, plage blanche d’une Revue, on prendrait des vacances, collègues sans salariat, congés payants de mine. Femmes d’un même groupe, d’un même geste, d’une même bousculade, d’une même décapante colère. Notre disponibilité à faire ce travail (gratis) de femmes entre elles. Dans l’entre deux, dans l’intervalle de la juste revendication d’une juste ligne, d’une juste lutte, camarades (comme on ne dit plus sans rigoler). Dentelle savante, slogan ciselé d’hier : Mais qu’est-ce qu’ elles veulent ? Point d’Alençon, point de gêne (nous ne sommes rien, soyons toutes, toutes et chacune), point de quartier. sœurs de lutte

Nous sommes montées sur nos patins à roulettes idéologiques, comme d’autres sur leurs grands chevaux de bataille, ceux de la lutte des femmes, de la paix des frangines, sans faire la guerre à l’épouvantable mâle au socius maladif. Ni chevalières de la table rase, ni vénusiennes, ces belles vénales de l’oeil pour l’œil, du coup pour coup et la dent qui arrache la chair(e) de l’étranger mâle-adroit. Côte de mailles masculines, non émasculables, taillée au bodygraph du pouvoir. Intolérable. Patinoire de notre féminisme, et la glace à briser chaque matin devant la porte de notre inconsciente, juste après la toilette, le maquillage water-proof qui va nous donner au petit lever, tout de suite après l’écoute des intox, la bonne mine radicale de notre idéologie de combat. Balafrée des viols coutumiers à l’étalage de notre féminité néantisée. Biffant l’injure, le mépris d’un trait d’eye-liner. Mascara sur les cils battus d’humiliations quotidiennes agrippées à notre révolte sexuée. Femmes sans têtes réinventant aux crayons de couleurs les contours effacés, délavés par l’ordinaire féminin. Ombres aux paupières, velours du regard, un peu d’espoir. Rouge Mona Lisa à la commissure des lèvres, pour la parler cette parole-là déclarée bâillonnée du dedans, du dehors. Cosmétologie au logis, cosmogonie portative, starlettes en militance. Blush aux joues, fraction de rouge pour armer notre bonne mine d’un futur proche, notre révolution en lente rupture d’absolu. C’était au temps où les rêves se réalisaient… Evitement du maternage, du grand groupe constitué comme mère, formulé comme matrice. Pervenche qui masque la forêt. Chaleur de la retrouvaille qui fragilise et marginalise sans retour. Qui broussaille et confuse en place d’une tentative de désherber les contradictions moroses. les dames de la Revue

Jouer aux dames. Celles qui s’autorisent la publication, l’exposition, l’exhibition (comme on dit dans les galeries d’art). Production autonome d’écritures (Mesdames les Editrices ouvrent leur circuit imprimé et oublient d’être censeur. Au prix où sont les choses, on a intérêt à acheter des gens). Ecritures en ratures, en biffures, en partance. Dames, damnées d’avance par les cancrelats de la mixité obligatoire et réglementaire. Récits livrés à l’improbable, à l’impraticable rencontre avec l’autre : lectrice-lecteur, l’autre de nulle part, sinon de sa monnaie d’échange (de singe. J’allais vous le dire) épinglant le symptôme, s’y retrouvant, topique hasardeuse. Parmi ces dames-là, mes collègues allègres, je demeure en confusion extatique. Délices. Fusion délicate quand le savoir est posé à plat sur la table-écritoire entre deux cendriers débordants de mégots, magot à référants culturels, historiques. Style intelligentsia, art et essai, avant-garde politique, souple mais musclée. Eh! oui, l’université n’est pas loin, le gauchisme débonnaire non plus (çà c’est méchante). Quelquefois je craque doucement sur ma chaise percée de lacunes abyssales. Pour moi, l’autodidacte d’une lointaine banlieue, c’est pas tous les jours dimanche à démêler l’écheveau du Women Who’s Who. De qui, de quoi s’agit-il, s’agitent-elles? Parfois j’ai froid de l’ignorance, je fais l’étrangère, honteuse comme les maladies. La Bécassine chez les fortes en thème. Astralement des vôtres, des leurs, leurre du signifié, comme on dit au grand séminaire, pas celui d’Ecône, qui déconne, l’autre, le grand Autre (faites pas attention, j’fais la maline). Eludé le craquement et son arsenal savant : Ça leur passera avant que ça me reprenne. On ne prête qù’aux riches. C’est dire, malgré tout, combien je participe du même ghetto, portail d’un enfer doré (enferme¬ ment?) aux cariatides incestueuses. Aux pays des merveilles, des Merveilleuses mes copines, les extravaguées, les Alices philosophes, les plus belles, toutes, qui s’étonnent, qui ont peur (puisque c’est ça, philosopher). Ces dames de la revue, cette dame, l’autre, lieu de quelque vérité. Sourde, obscure, au goût de raisin vert et les messieurs en eurent les dents (textuellement) agacées. Dames au pluriel, car il y a belle lurette que nous l’avons renversé ce cheval de Troie ou Quatre : la femme, cette femme-là n’existe pas, d’ailleurs je ne l’ai jamais rencontrée, je ne la connais ni des lèvres, ni des dents. collègues

Illustration Pascaline Cuvelier

Oui, c’est un jardin ex-tra-or-di-nai-re, ce jardin là en semis de printemps, en parution de mars et c’est pas une blague. Ce bureau là, pas ordinaire, dont je parle. Bien sûr, on aura deviné, c’est pas un vrai chées sur des écritures, comme enlacées de notre singulier féminin (?), les nœuds en prime. Brodant, idéologies vacillantes mais prospères déridées. Enfin, en plus-de-jouir (faut être de son temps et ya pas d’mal à s’faire du bien). Grande table lamifiée, posée sur des trétaux, pour un théâtre sans ombres et sans état de crise ou d’urgence, encerclée de chaises. Très tard on y travaille, de réunion en réunion, penchées sur des écritures, comme enlacées de notre singulier féminin, les nœuds en prime. Brodant, ravaudant, tricotant pour nous, pour elles, les autres, les proches; des sommaires, des articles, des trimestres en images, des corps sans cris, l’organe de la revue. Grignotant la tartine et le thé à l’amante : Un sucre ET/OU deux ? La tartine et l’objet culturel, marchandise scintillante de malice et d’espoir qui aggrave au lieu de résoudre (j’y tiens), qui trace en discontinuité son poids de gravité excentrée, margi-nana-le (les plus mauvais calembours font les meilleurs lecteurs), donc, marginale, élitiste diront les mauvaises langues, celles qui ne tournent jamais sept fois dans leur palais vermeil par peur de déraper sottement. Langues bien pendues et qu’elles le restent. On écrit pour nous, pour vous et quelques autres, pas pour que la classe ouvrière aille au paradis; sous le chiffon décoloré de la Volonté Générale Prolétarienne. Nostalgie mal cicatrisée, mais d’avant avant-hier. On est loin des masses labo¬ rieuses et paysannes. Cette masse cancer-du-dogme, despotique, masse-todonte, enfin masse-critique (comme on dit dans l’nucléaire). Eh, oui, de l’abside au parvis, il est long le chemin des dames pour éviter les chapelles, pour chuchoter entre nous, à la sortie de la messe, sans qu’il y ait eu nécessairement office. le prêt-à-porter

Wissenchraftlichte Graphologie, Munich, Robert Saudek, 1926

Chemin faisant, ils sont prêts-à-porter les habits neufs d’un féminisme extradé. Il ne reste plus que quelques bouffis épars pour le condamner, le poursuivre ou le livrer à l’injure, voire à l’obscène. Et quelques autres boursoufflés fantoches s’essoufflent, dans les coulisses de l’exploit, aussi libéraux que récupérateurs à homologuer les records de la condition féminine. Laissons ces escargots à leur bave. Laissons-les, lubriques, sodomiser entre eux un incertain néo-féminisme, armés de leur braquemart marxiste ou psychanalytique (c’est selon) lui-même violé par un je-ne-sais-quoi du petit coin des affaires enculturées. Dans le on-trouve-tout à la Bonne Samaritaine de l’épopée des femmes en voie de libération, rayon quincaillerie, rayon lingerie, les amis de la veuve et de l’orpheline (minorité opprimée) cherchent à tâtons le pourquoi d’un fiasco du rapport sexuel. Allez, c’est pas que j’ m’ennuie, mais j’ai mon eau qui bout.

pascaline cuvelier